LETTRE OUVERTE A l’attention d’Axelle Lemaire et Fleur Pellerin, de la part d’une entrepreneuse française du numérique

C’est avec un goût amer que je reviens ce matin à mon bureau de Montpellier (que j’adore en passant…) après être revenue de l’aéroport Charles de Gaulles duquel je me suis faite refoulée à cause d’un visa non conforme au règlement américain. Afin que cette info serve à d’autres : mon passeport ayant été émis en 2005, le visa habituellement octroyé pour les séjours de moins de 90 jours aux Etats-Unis (l’Esta) ne suffisait pas.

En tant qu’entrepreneuse, je suis sans cesse dans la remise en question et je me demande donc rétrospectivement de quelle manière j’aurais pu le savoir ; même l’agence AirFrance de Montpellier par laquelle je suis passée pour effectuer les formalités en était toute confuse et m’a confié « mais c’est tout de même curieux que notre système vous ait permis l’octroi du VISA Esta et ne vous ait pas redirigé vers la bonne page » me dit Florence, au téléphone, alors que j’étais encore à l’aéroport à essayer de trouver une solution ultime pour pouvoir tout de même partir à New York avec la délégation française. Même quand je regarde les pages liées aux visas américains, je ne parviens pas à voir comment j’aurais pu le savoir étant donné que le VISA Esta m’avait été octroyé cf http://www.esta.us/francais.html

« Au cas où l’autorisation de voyage ESTA ne vous serait pas accordée, vous devrez solliciter un visa B-1 pour les séjours d’affaires ou un visa B-2 pour les séjours touristiques ».

Bénéficiant de cette opportunité exceptionnelle et désirant ardemment participer à cet événement qu’est la FrenchTech à New York à laquelle j’avais été conviée, pour pouvoir notamment représenter les quelques milliers d’entrepreneurs du numérique (notamment à travers UnionWeb) qui comptaient sur ma voix et qui continuent d’ailleurs en ce moment même à m’envoyer sms et messages privés, j’ai donc pris la décision de vous écrire ce matin afin de transformer cette frustration en action.

Durant ces 2 jours à New York, j’aurais certainement pu faire passer quelques messages aux investisseurs américains et /aux français…Sur un marché mondial en pleine croissance pesant plusieurs dizaines de milliards de $, il est certain que plusieurs acteurs américains, français, européens, et bien d’autres, peuvent cohabiter à condition d’être innovants, de choisir leur segment de marché et leur positionnement marketing et de bénéficier d’un noyau solide (et ça, c’est le capital humain !).

Mais force est de constater que nos chances de réussite ne sont clairement pas les mêmes. Prenons par exemple le marché de l’hébergement chez l’habitant où deux acteurs français et américains se sont lancés à un an d’intervalle. Alors que le pionnier français (BedyCasa) aura mis 5 ans à recevoir ses 1ers fonds d’un montant de 500 000€ et à constituer ses équipes, son confrère américain (Airbnb) levait, au même moment 112 millions de $ après avoir levé déjà plus de 7 millions de $ durant les 1ères années de son existence. Au total, la start-up française reçut 2,6M€ tandis que l’américain leva près de 800 millions de $ et en vaut 10 milliards.

Questions : la start-up française a-t-elle une chance de se faire une belle place sur ce marché ? Pourquoi une telle valorisation pour la start-up américaine? Pourquoi un si grand écart de valorisation entre les 2 continents? Si les valorisations américaines sont si élevées et si elles sont plus ‘raisonnables’ en France et en Europe, pourquoi les investisseurs américains et européens n’investissent pas plus dans nos start-ups alors que nous avons des talents, que la plus value serait sans doute plus rapide (dans notre cas, 4 actionnaires et une association de Business Angels ont déjà multiplié leur investissement originel par 2, et pour certains, par 5 !)?

Voici les questions que se posent des milliers d’entrepreneurs en France.

Pour répondre à la 1ère question, en l’occurrence, étant sur un marché en pleine croissance, mondial et durable et ayant construit une base solide mettant l’humain au centre de ses activités lui permettant de bénéficier d’un très bon taux de conversion et d’une belle image de marque, je peux clairement affirmer que cette start-up française peut être un leader sur son marché sous deux conditions : continuer à développer ses stratégies avec le même état d’esprit et le même positionnement et bénéficier de financements supplémentaires pour passer des étapes. Ironie du sort ou simple coïncidence, la start-up française décolla avec l’arrivée de l’américain en France, 5 ans après son lancement.

Quant aux autres questions, peut-être qu’elle pourraient faire l’objet d’approfondissement dans ce que je m’apprête à vous proposer.

Vous avez déjà effectué un travail formidable auprès des entrepreneurs français du numérique (notamment via la FrenchTech) et je vous en suis reconnaissante au nom de tous ces entrepreneurs et investisseurs français fiers de pouvoir encore compter sur leurs politiques pour leur permettre de rester dans leur pays qu’ils aiment profondément.

Etant donné que nous avons des talents français mais également européens et que nos frontières sont ouvertes sur le monde et que vous le démontrez vous-mêmes par vos nombreux déplacements, pourquoi ne pas créer un organisme mondial simple et purement représentatif, comportant une bureaucratie la plus simplifiée possible et proposant un lieu de networking convivial, central et surtout ouvert afin de passer de la compétition à la collaboration entre entrepreneurs et investisseurs français, londoniens, américains…mondiaux, de créer un éco-système favorable aux échanges, d’éviter les exilés fiscaux de nos pays, de permettre à tout talent de la tech et du numérique, ne bénéficiant d’aucun réseau, de partir avec les mêmes chances de succès que d’autres entrepreneurs rentrant dans ces cercles fermés et enfin de créer de la richesse au niveau mondial à travers ces échanges, ces collaborations œuvrant à un niveau local.

Nous pouvons utiliser les outils que nous avons déjà à notre disposition telles les nombreuses associations du numérique pour recenser les différents réseaux et besoins (notamment France Digitale). Enfin, à travers UnionWeb, fédération des acteurs du web, des besoins mondiaux se faisant déjà ressentir, le bureau a d’ores et déjà décidé de mettre en place des antennes locales dans les différents pays (purement représentatifs pour le moment).

Ne sachant pas si ma demande sera entendue, j’essaie tout de même de la faire passer par ce biais car je crois profondément en ce sentiment : « ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait ».

Au nom de tous mes amis entrepreneurs, je vous remercie de m’avoir lu.

Magali Boisseau Becerril

olivier

rogervoice.com

olivier@rogervoice.com

92.163.27.195

Je partage absolument.Pour prendre un autre exemple; Kickstarter aujourd’hui domine de la tête et des épaules le marché du crowdfunding. Cette société américaine n’était pas le premier arrivé. Ils ont copié leur modèle sur celui de …. KissKissBankBank. Une des toutes premières plateformes de crowdfunding, lancée en France. Où en est KKBB? Il ne figure presque jamais sur les listes des top sites mondiales de crowdfunding. Il n’y a que les français qui connaissent. La faute à l’équipe? Ou la faute à un écosystème figé, pas assez riche en investissements, trop prudent, trop lente?

Le talent français est formidable. Mais l’écosystème ici l’étouffe. Le talent français se meurtrit, ou s’en va ailleurs.

France, I don’t care how much talent you’ve got. You just can’t execute.

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